23/05/2010

Le combat des titans

Avant de rentrer dans l'arène, je pense aux quelques lignes écrites par Chris Maker au sujet de l'autre moi qui vit au Japon. J'ai été surpris de savoir que bon nombre de mes amis n'avaient jamais vu de combat de sumos de même que moi en France je n'ai jamais mis les pieds dans un stade de foot ou de rugby tant l'idée de me retrouver avec autant de gens pour regarder (sans pratiquer) et hurler à tue tête me révulse. Pourtant c'est avec grand plaisir que je rentre dans le Dohyō du Ryōgoku Kokugikan. Une différence tout de même, le stade est resté assez silencieux mis à part quelques noms hurlés pour encourager et le seul "désagrément" fut causé par une bande de touristes qui comme bon nombre ici ne respectent rien, ni les moeurs, ni les gens et resteront sans doute toute leur vie dans cet état d' idiotie profonde dont ils semblent être fièrs et qui pour l'instant ne semble pas toucher les Japonais. Bref avant que le tournoi ne commence quelques explications sur la pratique du sumo 相撲.
Il semble que les combats sumo soient apparus il y a près de 1 500 ans, sous forme de rituels religieux shinto : des combats sumo ainsi que des danses et du théâtre étaient dédiés aux kami en même temps que des prières pour obtenir de bonnes récoltes. Le sumo professionnel est un sport réservé aux hommes. Les lutteurs de sumo sont appelés au Japon rikishi (力士, rikishi litteralement « professionnel de la force »), voire o-sumō-san (お相撲さん) plutôt que sumotori appellation usitée en France, mais peu au Japon, si ce n'est pour les débutants. Lors des combats, les lutteurs ne sont vêtus que du mawashi, une bande de tissu serrée autour de la taille et de l'entrejambe, qui constitue la seule prise solide autorisée pendant le combat. Celle-ci mesure réglementairement entre 9 et 14 mètres suivant la corpulence du rikishi. Ils sont coiffés selon le style chon mage : les cheveux, lissés avec de l'huile, sont maintenus par un chignon. Un rikishi garde ses cheveux longs pendant toute sa carrière active, de 20ans jusqu'à 40 ans en moyenne. Son départ à la retraite est marqué par une cérémonie (danpatsu-shiki) au cours de laquelle ce chon mage est coupé. Les rikishi des divisions supérieures sont coiffés en oicho-mage (le chignon a une forme une feuille de ginkgo) lorsqu'ils sont en tournoi ou en représentation. Il n'y a pas de catégorie de poids pour les rikishi (contrairement à la discipline olympique) et il peut arriver que l'un des combattants soit deux fois plus lourd que l'autre (les poids de rikishi pouvant aller de 70 à 280 kg). Cependant, les rikishi des meilleures divisions pèsent en moyenne environ 150 kg, poids semblant le plus à même d'assurer à la fois stabilité et souplesse. La vie quotidienne du rikishi est très réglementée : réveil à 5 heures du matin, entraînement, repas de midi à base de chanko nabe, sieste et repas du soir également à base de chanko nabe. Les entraînements suivent un certain nombre de rituels ancestraux et les lutteurs les mieux classés se font servir par les apprentis. Avant l'affrontement, les lutteurs chassent les esprits en frappant le sol avec les pieds, après les avoir levés très haut : il s'agit du shiko. En signe de purification, ils prennent une poignée de sel et la lancent sur le dohyō, la zone de combat délimitée par un cercle de 4,55 mètres de diamètre : on parle alors de kiyome no shio. Il y a également le rituel de « l'eau de force » que le rikishi boit puis recrache. Ce sont les trois gestes rituels les plus importants avant le début du combat proprement dit. Le combat débute au signal du gyōji, l'arbitre présente alors l'autre face de son éventail. Après une phase d'observation, les lutteurs doivent toucher le sol avec leurs deux mains pour accepter le combat. La confrontation physique peut alors commencer (le début du combat où les deux lutteurs se jettent littéralement l'un sur l'autre est appelé tachi-ai), les deux protagonistes s'élancent l'un vers l'autre, le but étant d'éjecter l'adversaire hors du cercle de combat ou de lui faire toucher le sol par une autre partie du corps que la plante des pieds. Les combattants peuvent utiliser les prises parmi les 82 autorisées. Ces prises gagnantes sont appelées kimarite. Pendant le tournoi, l'objectif du rikishi est d'obtenir plus de victoires que de défaites : g'il obtient une majorité de victoires, il est désigné kachi-koshi et peut alors gagner des rangs dans le banzuke. S'il obtient une majorité de défaites, il est déclaré make-koshi et peut être déclassé. Lorsqu'un ōzeki excelle au tout premier rang, la fédération peut le désigner yokozuna, champion suprême. Il est généralement nécessaire pour cela de remporter au moins deux tournois à la suite et d'être jugé moralement digne d'un tel rang, les yokozuna étant considérés comme les rikishi les plus proches des dieux, voire parfois comme des demi-dieux. Le yokozuna, qui ouvre les journées de combat par une cérémonie spéciale, conserve son titre à vie et ne pourra régresser dans les classements. Néanmoins, si ses résultats deviennent indignes d'un yokozuna, l'usage lui imposera de se retirer du monde du sumo. Fait sans précédent pour un Européen, l'ōzeki bulgare Katsunori Kotoōshū a réalisé l'exploit de gagner un tournoi à l'occasion du Natsu basho de Tokyo, insuffisant néanmoins pour devenir yokozuna.
Plusieurs choses m'ont marqué lors de ce tournoi : le fait de voir ces "gros bébés" assez peu élégants selon nos critères il faut bien le reconnaître mais néanmoins incroyablement agiles sur le ring. Tout est une question de transfert de force. Ainsi, si un "petit" de 150 kilos ne peut faire face directement à son adversaire, il peut en quelques secondes le mettre au sol en détournant la force et le poids de celui-ci à son avantage. C'est assez palpitant et on se laisse vite prendre au jeu. De plus, lesvisages sont impassibles, je n'ai pu reconnaître aucun sentiment, ni peur, ni énervement, ni revanche, ni stress...rien, pas même un sourire victorieux mais toujours une extrême courtoisie vis à vis de l'adversaire. Parfois, avant même qu'un sumo ne tombe, son adversaire le rattrappe pour éviter qu'il se fasse mal. Ce sport ne pouvait être inventé qu'au Japon, le sumo se consacre entièrement à une seule chose au point d'en métarmophoser son corps, comme le mangaka et...d'une certaine manière l'architecte...

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