23/10/2009

Livres (本)

Je voulais vous parler de trois livres qui m'ont été offerts avant mon départ (et qui traduisent bien ce que les gens de mon entourage pensent du Japon...).
* Le Japon n'existe pas d'Alberto Torres-Blandina : dans un terminal d'aéroport, un balayeur affable et disert bavarde avec les passagers en attente, devine leur destination, leur histoire et prodigue des conseils.
"On sous-estime parfois le pouvoir du langage. Une langue est un lieu d'où l'on comprend la réalité [...] Les Esquimaux ont une douzaine de mots pour désigner la couleur blanche. Vous et moi, nous regardons la neige et y voyons un manteau blanc. Eux, un manteau multicolore. La réalité ne change-t-elle pas en fonction de la langue qui la structure dans notre tête ? "
" Où allez-vous si ce n'est pas indiscret?... Tokyo? Oh, ce n'est pas le meilleur choix, avec tous les endroits qu'il y a à voir dans le monde, vous auriez pu en choisir un autre...Si vous avez le temps de changer de billet? Non, bien sûr, l'avion est sur le point de décoller...enfin façon de parler...[...] réfléchissez un peu. Vous ne trouvez pas que c'est un pays où tout est fait pour décourager le tourisme? J'imagine ceux qui l'ont inventé...
-D'abord, un sport national...
-Deux obèses en string qui se frappent en se poussant, ce serait drôle, non?
-Et la nourriture, qu'est-ce que l'on pourrait trouver de pire?
-Du poisson cru, ça paraît répugnant...
-Oui...et avec des baguettes, ha! ha! pour qu'ils n'arrivent pas à le saisir...
En plus ils vont s'assoir par terre et se bousiller les reins...
-Et la langue?
-Quasi impossible à apprendre...
-Avec deux alphabets...ha ha
-Non, non, trois...
Imaginez la rigolade...[...] Alors peu importe que vous le sachiez avant ou après : le Japon n'existe pas."
" Au début, les concepteurs avaient l'ordre d'inventer une culture si bizarre que personne n'aurait envie d'aller sur place [...] Mais vous connaissez les hommes. On ne sait jamais comment ils vont réagir. Les gens ont trouvé amusant de dormir pas terre, de contempler des dessins violents et de pleurer avec la sauce wasabi. Le Japon est devenu un pays à la mode. Et il y a des gens qui savent très bien profiter des modes."
* Le sumo qui ne pouvait pas grossir d'Eric-Emmanuel Schmitt : sauvage, révolté, Jun promène ses quinze ans dans les rues de Tokyo, loin d'une famille dont il refuse de parler. Sa rencontre avec un maître du sumo, qui décèle un "gros" en lui malgré son physique efflanqué, l'entraîne dans la pratique du plus mystérieux des arts martiaux.
" Je vais t'expliquer, Jun, pourquoi tu ne te développes pas. Si j'enfonce cette noix dans une terre grasse, tendre, bien remuée, il y a de fortes chances qu'elle se développe, plonge ses racines et déploie un arbre au dessus d'elle. En revanche, si je la pose ici...Il coucha la noix sur le sol en ciment....elle séchera, mourra. Pourquoi ne profites-tu pas ? Parce que tu ne peux pas te nourrir de toi : tu t'es coupé de ton âme, posé sur un sol artificiel, une graine à même le béton. Sans racines, tu ne croîtras pas!
-Qu'est ce que le béton chez moi ?
L'inconscience."
* Stupeur et tremblements d'Amélie Nothomb : la narratrice est embauchée par une puissante firme japonaise et va découvrir à ses dépens l'implacable rigueur de l'autorité d'entreprise, en même temps que les codes de conduite, incompréhensibles au profane. Une course absurde vers l'abîme, image de la vie.
" Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur de monsieur Saito, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure. Et moi, je n'étais le supérieur de personne."
" S'il faut admirer la Japonaise, c'est parce qu'elle ne se suicide pas, "si tu ris, tu ne seras pas distinguée", "si ton visage exprime un sentiment, tu es vulgaire"[...] A part cela tu peux espérer vivre vieille, ce qui n'a pourtant aucun intérêt, et ne pas connaître le déshonneur[...]Tu devras être irréprochable, pour cette seule raison que c'est la moindre des choses. Etre irréprochable ne te rapportera rien d'autre que d'être irréprochable, ce qui n'est ni une fierté ni encore moins une volupté [ et dix pages plus loin ]. Je ne pense pas que le sort du Japonais soit beaucoup plus enviable. Dans les faits je pense même le contraire. La Nippone, elle, a au mois la possibilité de quitter l'enfer de l'entreprise en se mariant. Et ne pas travailler dans une compagnie japonaise me paraît une fin en soi."
Bon et bien, sinon, moi, ça me plait toujours autant, même si le Japon n'existe pas, même si je ne suis le supérieur de personne. Suis-je une petite noix qui a trouvé entre deux plaques de béton un peu de terre tendre....?

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