30/04/2010

City of Darkness

Après un workshop sur "les villes complexes" j'en suis arrivé à vouloir vous parler de Kowloon 九龍城 qui est une partie de Hong-Kong. Nommée aussi la Citadelle, cette partie de la ville était une enclave chinoise dans Hong-Kong, véritable zone de non droit, dans laquelle régnait l'insécurité la plus totale. Ainsi les meurtres et les vols étaient de mise. La police de Hong-Kong ne pouvait pénétrer dans cette enclave restée chinoise. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée d’occupation japonaise a expulsé les habitants de la Citadelle, et l'a démolie en grande partie – notamment son mur d'enceinte. Après la capitulation du Japon, les squatters (soit des anciens résidents, soit plus probablement des nouveaux venus) ont commencé à habiter la Citadelle, résistant à plusieurs tentatives d'expulsion par la Grande-Bretagne en 1948. Désormais sans mur pour la protéger, la Citadelle devint un asile pour escrocs et toxicomanes, car la Police de Hong_Kong n'avait pas le droit d'entrer, et aucune autorité chinoise en Chine continentale, ni seigneur de guerre, ni communiste, ou Kuomintang, ne souhaitait en prendre la responsabilité. En 1949, la République Populaire de Chine fut établie, et des milliers de réfugiés supplémentaires affluèrent, beaucoup en provenance de Guangdong, se rajoutant à la population déjà présente. L'administration coloniale britannique adopta une politique de laisser faire. Lorsqu'un meurtre fut commis dans la Citadelle en 1959 qui provoqua une mini-crise diplomatique entre le Royaume-Uni et la Chine, les deux nations tentèrent de pousser l'autre à accepter la responsabilité de cette vaste parcelle de terrain pratiquement en anarchie, dominée par les Triades chinoises anti-Mandchou. En tant que syndicats de crime organisé, les Triades y ont été puissantes jusqu'au milieu des années 1970. En 1973-1974, une série de plus de 3 000 incursions de police ciblant les Triades au sein de la Citadelle les ont affaiblies. Bien qu'elle ait été décrite comme le foyer du crime, la vie quotidienne était en grande partie organisée par les habitants plutôt que par les Triades. La plupart des résidents y vivait paisiblement, et n'avait aucun lien avec des activités criminelles. Beaucoup de charités et groupes religieux ont aidé à améliorer la vie des habitants, ainsi écoles et d'autres services sociaux étaient présents au sein de la citadelle. Le Gouvernement de Hong-Kong a également fourni certains services tels que l'eau et la distribution du courrier. La puissance des Triades ayant diminué, une sorte de synergie s'est développée, et la ville murée a commencé à se développer de façon presque organique. Il n’y avait que deux règles de construction : l'électricité a dû être fournie pour éviter l’incendie, et les bâtiments doivent se limiter à quatorze étages en hauteur, en raison de l'aéroport voisin. Les bâtiments bâtis les uns dans les autres l'ont transformée en un monolithe de rapiéçage de centaines de mètres carrés, suite à des milliers de modifications et d’extensions, sans aucune aides d'architectes ou d'ingénieurs. Les couloirs de labyrinthe ont traversé le monolithe, certaines rues étant d'anciennes rues au niveau du sol souvent obstruées par les détritus et les ordures, et d'autres fonctionnant par les niveaux supérieurs, pratiquement entre les bâtiments. Les ruelles ont été éclairées par les lumières fluorescentes, car la lumière du jour y pénétrait à peine, sauf sous les toits. Seules huit tuyaux municipaux approvisionnaient en eau la structure entière d’une façon ou l'autre. Au début des années 1980, la Citadelle avait une population estimée à 35 000 habitants. Quartier anarchique, la Citadelle était réputée pour sa profusion de maisons closes, casinos, salons d'opium et de cocaïne, ses restaurateurs qui servaient de la viande de chien, et pour ses usines clandestines. La Citadelle de Kowloon était également connue pour son nombre très élevé de cliniques de dentistes à l'état d'hygiène déplorable, puisque les dentistes non autorisés pouvaient y pratiquer sans risque de poursuite. Au fur et à mesure du temps, les deux gouvernements, britannique et chinois considéraient l'anarchie de la Citadelle de plus en plus insupportable, malgré le bas taux de crime rapporté. La qualité de la vie au sein de celle-ci, conditions sanitaires en particulier, était très en retard sur le reste de Hong-Kong. Après la Déclaration commune sino-britannique de 1984, les autorités britanniques, avec l'accord de la RPC, décidèrent de démolir la ville et de reclasser ses habitants en 1987. À ce moment-là, elle avait 50 000 habitants sur 0,026 km². Sa densité de 1 923 076 habitants au km² faisait de la Citadelle le quartier le plus densément peuplé du monde. Des évacuations commencèrent en 1991 et ont été achevée en 1992. Le gouvernement dépensa jusqu'à 3 milliards de dollars HK pour reclasser les résidents et les commerçants. Quelques résidents n'ont pas été satisfaits de la compensation, et certains ont même tenté d'empêcher la démolition par tous moyens. Avant sa démolition définitive, un groupe d'explorateurs japonais a mis environ une semaine pour voyager dans la ville murée déserte, établissant une sorte de carte et une coupe de la ville. Le film Crime Story (1993) avec Jackie Chan a été en partie tourné dans la Citadelle abandonnée, et de vraies scènes d'explosions de bâtiment faisaient partie du produit final. Elle fut détruite dans la même année.Après la démolition, la construction d'un parc a démarré en mai 1994 sur le site. Je trouve cette histoire surprenante et très touchante à la fois et qui me rappelle beaucoup l'île de Gunkanjima au Japon. (video) Je vous mets le lien, qui comme toujours est plus complet en anglais, pour éviter de ne parler que de villes fantômes. Pourtant le sujet est passionant. Cependant, faire la maquette de ce monstre ne me dit rien du tout....

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire